Dans l’intimité des oeuvres

Pour découvrir la richesse des collections du musée des Beaux-arts ! Retrouvez la présentation, l’analyse et l’interprétation d’une des œuvres du musée. Jean NAIGEON

Portrait de Jacques-Louis David

Vers 1789 Huile sur toile Don par Edmond Naigeon, Descendant du peintre, en 1872 Inv. 872.9.1 Coll. Musée des Beaux-arts, Beaune © Service des Musées
Jean NAIGEON, Portrait de David

Jean NAIGEON, Portrait de David

Ce portait en buste nous met en présence du grand peintre Jacques-Louis David, chef de file de l’école néo-classique et dont les œuvres magnifiant l’aventure napoléonienne font désormais partie de tous les manuels d’Histoire. Sur un fond sombre et non déterminé, le portraituré, un homme d’âge mur, regarde sur sa gauche. Il est vêtu d’une chemise blanche à col Lavallière et d’une veste noire. Les sourcils froncés lui confèrent un air concentré et pénétré, expression accentuée par la dissymétrie de la bouche. Son visage nous est bien connu du fait des nombreux portraits et autoportraits dont il a fait l’objet. On pense par exemple à deux œuvres conservées au Musée du Louvre, l’autoportrait de jeunesse mais aussi le buste de François Rude. Cette sculpture ne cache en rien les effets causés par une tumeur dans la joue gauche s’accentuant au fil du temps et déformant ainsi une partie de son visage. Le portait qui nous intéresse ici est l’œuvre de Jean Naigeon, né en 1757 à Beaune, décédé à Paris en 1832 et élève de David. Ce peintre ne doit pas être confondu avec son compatriote bourguignon et presque homonyme Jean-Claude Naigeon, peintre dijonnais. Le début de sa carrière est prometteur : élève de François Devosge, alors directeur de l’école des Beaux-arts de Dijon, Jean Naigeon remporte en 1778 le premier Prix de peinture du concours des Etats de Bourgogne et arrive second en 1780 au concours du Prix de Rome. Il bénéficie aussi de la protection de son mécène beaunois, le baron de Joursanvault. Toutefois, installé à Paris, et dans le sillage de la Révolution à la Commission des Arts et des Sciences, il s’oriente rapidement vers les métiers de conservateur et d’archiviste. Ainsi, dès 1801, il administre le musée d’art moderne qu’est le musée du Luxembourg. L’histoire de ce portrait est complexe et de nombreuses interrogations demeurent tant pour sa genèse que pour l’attribution elle-même. En effet, d’autres œuvres recensées sont très comparables à cette huile sur toile. Evoquons tout d’abord un dessin. L’historien Louis Hautecoeur (cité par Schaettel dans son catalogue des peintures du musée des Beaux-arts de Beaune) révèle que Naigeon a fréquenté l’atelier de David fin 1788. Il y croise Gros, Gérard et Fabre, tous destinés à devenir de grands peintres du Premier Empire, mais également Georges Rouget (1783-1869) élève et ami de David (et second Prix de Rome en 1803). Rouget exécute un portrait dessiné de ce dernier, conservé à l’Institut Courtauld à Londres qui semble être une esquisse préparatoire à une peinture. Or, dans le cadrage et dans la pose, ce dessin présente de nombreuses similitudes avec le portrait du musée de Beaune. A la National Gallery de Washington, est conservé un portrait peint à nouveau très proche de celui de Beaune, malgré un cadrage plus large « en grand buste », permettant de voir David assis. Ce tableau, attribué à l’école de Rouget, présente une facture plus fine et un dessin plus précis – notamment dans la description des vêtements et des cheveux – que dans l’exemple beaunois. On relève aussi un modelé plus travaillé et des effets de lumières plus nuancés. A l’inverse, le portrait de Beaune affiche un dessin plus sec, caractéristique, que d’autres œuvres de Naigeon confirment. Cela tend à penser qu’il s’agit bien d’une œuvre exécutée par le peintre beaunois. Toutefois, grâce à une touche très enlevée et animée, le peintre parvient à donner beaucoup de vie à son modèle ainsi qu’une grande vérité psychologique. Il reste toutefois difficile de dire dans quel contexte ce portait a été réalisé. Naigeon a-t-il copié une des œuvres précédemment citées (le dessin ou la peinture de la National Gallery) ? Ajoutons que Georges Rouget est présent dans les collections du musée des Beaux-arts avec le Portrait de Mme Mauzaisse. Exposé désormais dans une des salles du musée des Beaux-arts, le Portrait de David par Jean Naigeon a bénéficié en 2019 d’une restauration à la fois structurelle et esthétique. Cumulant une déchirure de la toile, un jaunissement du vernis et quelques lacunes picturales, l’œuvre n ’était jusqu’à présent pas présentable. Cette œuvre de Naigeon rejoint les autres œuvres de ce peintre régulièrement mises en valeur dans le musée : du portait officiel de Gaspard Monge à un délicat autoportrait. En outre, elle vient rappeler la richesse du musée en œuvres de l’époque néo-classique ; outre Naigeon, citons le Portait de Madame de Grassini par Marie-Guillemine Benoist, autre élève de David, le Portait d’une princesse polonaise par Robert Lefèvre et celui d’une jeune femme par Louis-Léopold Boilly. On pense aussi à un paysage peint par Jean-Joseph-Xavier Bidault. Portrait de Madame Grassini – M.-G. Benoist La Liseuse – attribué à J. Raoux La Bénédiction de Jacob – G.Troppa Les Flamants roses – F. Ziem Le Chat – M. Couqueberg Avant le crime – J.-B. Nemoz Suzanne et les vieillards – Ecole Française Les Amoureux – P. Day Vierge à l’Enfant en majesté Gaspard Monge de plain-pied – F. Rude Le Passage de la girafe à Arnay-le-Duc – J.-R. Brascassat La Mansarde – H. Michaud Cérès et deux nymphes – d’après P.-P. Rubens Suzanne et les vieillards – Ecole Française Allégorie de la Terre – Atelier de Brughel de Velours Scène champêtre – à la manière de N. Lancret Portrait de Gaspard Monge – J. Naigeon La Croix vivante – Ecole Crétoise Croquis de Thérèse Humbert à son procès – N. Dorville Grand-mère – E.-J. Paupion L’Assassinat d’Edith Cavell – N. Dorville La Cueillette – J.-B.-C. Corot L’Assiette au beurre, La Cage – N. Dorville Isis allaitant Horus Danseuses cambodgiennes vues de dos – N. Dorville Lagune dans la Méditerranée – F. Ziem Bastion du Rempart des Dames – E. Goussery Portrait de David – J. Naigeon

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