Le 14 novembre 1878, le maire de Beaune reçoit une lettre plutôt étrange émanant de Pierre Valette. Il s’agit au départ d’une simple demande de travaux sur un caveau familial au cimetière de Beaune. Pourtant, cette missive est assortie du souhait : « de faire procéder à l’ouverture des 2 cercueils pour vérifier s’ils contiennent bien les restes mortels de mes père et mère. »
En effet, Pierre Valette a perdu sa mère Anne Lemasson, décédée à Beaune le 25 janvier 1871 et son père, également nommé Pierre Valette, décédé à Beaune le 9 juillet 1873. Ce couple, originaire de la Creuse s’était fixé à Beaune où l’époux exerçait la profession de constructeur et directeur de l’usine à gaz de la ville. Il était concessionnaire de l’approvisionnement en gaz de la commune de Beaune et de ses hameaux.
La mort de ses parents a visiblement beaucoup troublé le demandeur puisqu’il indique « A la suite de rencontres plusieurs fois répétées dans des conditions particulières, en divers lieux, l’un et l’autre me sont apparus, vivant et agissant dans les sociétés où je me trouvais moi-même, sans que j’ai pu leur parler, les approcher et m’en assurer par le sens du toucher alors que la vue et tous mes sentiments me les désignaient (…) »
Dans le doute, la municipalité accepte la demande de Valette et fait procéder aux exhumations des corps. Il faut dire que les citoyens beaunois ont encore en mémoire la translation du cimetière de l’avenue de la Gare vers le terrain des Boiches en 1871 et ils sont assez suspicieux quant à la manipulation des corps de leurs aïeux.
C’est donc le 20 novembre 1878 que l’exhumation a lieu en présence de Moreau, médecin, de Caucal, pharmacien, du commissaire de police et de Pierre Valette qui se déclare satisfait. Pressentant toutefois des soucis, le pharmacien prévient : « en raison de l’état de décomposition et de putréfaction dans lequel se trouvent les corps, il ne serait pas prudent de faire procéder à une nouvelle exhumation. »
Dix jours plus tard, Pierre Valette revient à la charge expliquant que la première visite fut trop superficielle et demande une seconde exhumation car « les 2 cadavres que renferment ces deux cercueils ne sont pas ceux de mes père et mère. » Valette a réuni l’ensemble de sa famille et des médecins ayant soigné ses parents et exige une nouvelle exhumation. Les autres membres de la famille se désolidarisent toutefois de cette démarche et reconnaissent pour leur part que les corps inhumés « sont bien les corps de leurs père et mère »
L’affaire remonte jusqu’au Préfet qui laisse la municipalité agir comme elle l’entend. Valette réitère plusieurs fois sa demande sans succès jusqu’au mois d’avril 1879 où, sans doute découragé par les réponses négatives de l’administration et laissé seul dans son combat par ses proches, la correspondance cesse.
Pierre Valette décède à Beaune le 9 septembre 1894, rejoignant ainsi ses parents dans l’au-delà. Nul ne sait s’il avait auparavant été de nouveau troublé par des visions.
Sources :
Archives municipales de Beaune : sous-série 2 E, registres d’état civil 1871, 1873, 1894.
Archives municipales de Beaune : I 1 § 12 Article 2 n°5 : affaire Valette, exhumations.