LA SAINT VINCENT TOURNANTE
(Archives Municipales de Beaune – 22Fi82 : Photographie des Saints Protecteurs rassemblés sous une halle, peut-être celle de Nolay. Au centre, Saint Vincent de Beaune, sculpté par M. Noirot de Beaune)
Saint Vincent : un martyr promis à un bel avenir
Vincent de Saragosse (Espagne) était diacre de l’évêque Valère. Ne voulant pas se soumettre à l’autorité romaine, tous deux furent condamnés par le proconsul romain Dacien. Alors que Valère fut condamné à l’exil, la sentence de Vincent fut bien plus lourde. Dacien voulu en faire un exemple en lui infligeant de lourds supplices jusqu’à la mort, le 22 janvier 304 : on dit même qu’il a été écrasé dans un pressoir à vin. Dacien a ensuite fait exposer son corps pour que les rapaces le dévorent mais un corbeau le protège. Il le fait jeter à la mer mais le cadavre revient sur le rivage. La « protection divine » de son corps est à la base du culte qui lui est voué.
Aujourd’hui encore, Saint Vincent fait l’objet d’un culte sans pareil. Il est le saint protecteur des vignerons, mais également d’autres métiers, tels les vinaigriers. La raison de son choix n’est pas connue, mais plusieurs hypothèses ont été émises à ce sujet. Il pourrait provenir du mot « vin » contenu dans Vincent. Son statut de Diacre, qui verse le vin dans le calice, peut également l’expliquer. La sonorité de son prénom évoque pour certains un lien direct avec la vigne : Vincent pourrait être compris comme « vin sang », autrement dit le sang de la vigne. Toujours en rapport avec la vigne, la date à laquelle il est honoré correspond au solstice d’hiver dont dépend l’éveil de la vigne. Les vignerons ne taillent jamais leurs vignes avant la Saint Vincent qui marque le passage vers un nouveau cycle agricole. Enfin, selon une légende, Saint Vincent se serait arrêté pour discuter avec des vignerons, et son âne se serrait mit à brouter les jeunes pousses d’un pied de vigne. Ce pied de vigne aurait produit plus de vin que les autres, ce qui a donné naissance à la taille de la vigne. Il y a de ce fait plusieurs dictons sur le jour de la Saint Vincent : « Quand Saint Vincent est beau, abondance pour le tonneau », « Le jour de la Saint Vincent clair et serein annonce une année de bon vin », « A la Saint Vincent, l’hiver monte ou descend ».
Le nom de Saint Vincent a été donné aux sociétés de secours mutuel des vignerons, qui peuvent être perçues comme l’ancêtre de la Sécurité sociale.
Parmi les différentes représentations que l’on trouve de lui chez les vignerons, il tient le plus souvent une serpette et des grappes de raisin.
Saint Vincent Tournante : des origines à nos jours
(Archives Municipales de Beaune – 15fi7 : La Saint-Vincent tournante du 25 janvier 1955 à Beaune. Photographie montrant les décorations dans les différentes parties de la ville)
La Saint Vincent Tournante telle que nous la connaissons aujourd’hui a été fondée en 1938 par la Confrérie des Chevaliers du Tastevin. Cette manifestation fait suite à un repas qui était organisé annuellement depuis 1934, le « repas cochon » au Caveau Nuiton. Elle est dite tournante car elle a lieu tous les ans dans un village ou une ville différente de Bourgogne. Elle se déroule le week-end qui suit la fête du saint. La Saint Vincent Tournante, qui a été mise en sourdine durant la seconde guerre mondiale, a été ininterrompue en Bourgogne depuis sa reprise en 1947 à Gevrey-Chambertin. Elle a ensuite acquis le titre de plus grande fête de Bourgogne, en attirant jusqu’à 100 000 visiteurs par an venus du monde entier. En 2003, les vignerons ont fait le choix de retourner à une fête plus traditionnelle, mais qui conserve toujours sa magie d’autrefois.
Au départ, seules six sociétés défilaient. Elles étaient plus de quatre-vingts en 2006.
Les villages fêtent tous la Saint Vincent le 22 janvier. Une procession a lieu lors de laquelle la statue du saint patron, qui a passé l’année chez une famille de vignerons, est remise à une autre famille qui en aura la charge à son tour.
La fête de la Saint Vincent Tournante commence le samedi du dernier week-end de janvier au lever du jour. Le village dans lequel elle est organisée est décoré de milliers de fleurs en papier, ce qui accentue l’originalité de cette fête. Les délégations se retrouvent toutes dans le village désigné, avec leur saint patron, et partent en cortège dans les vignes. C’est une vraie procession qui a lieu car des enfants sont déguisés, des musiciens accompagnent les vignerons qui portent deux à deux les statues de leur saint patron, mais aussi d’autres protecteurs tel Saint Martin, Saint Aubin, Saint Thibault, Saint Blaise … Les Chevaliers du Tastevin sont vêtus de leur tenue traditionnelle rouge et or, et portent eux aussi leur saint patron. Une messe est ensuite célébrée, suivie de l’intronisation des plus anciens vignerons et vigneronnes de la ville. Celle-ci est suivie du banquet des vignerons. Enfin, diverses animations culturelles et folkloriques accompagnent la fête tandis que les visiteurs dégustent les grands vins dans les caveaux qui sont ouverts.
Le choix de la commune est décidé par la Confrérie des Chevaliers du Tastevin. Il existe aujourd’hui une association « Saint Vincent en Bourgogne ».
La Saint Vincent Tournante à Beaune
(Archives Municipales de Beaune – 3Fi683-3 : Photographie de la Cour d’Honneur de l’Hôtel Dieu lors de la St Vincent Tournante de 2005)
Beaune a reçu à trois reprises la fête de la Saint Vincent Tournante : en 1955, en 1974 et en 2005. La sainte protectrice de Beaune étant la Vierge au Raisin, c’est surtout elle qui est priée. Mais la ville conserve toujours le culte de Saint Vincent (qui s’est substitué à Saint Vernier à la fin du XIXe siècle) et les vignerons le fêtent tous les ans en respectant la tradition.
En 2005, les rues étaient pavoisées aux couleurs des vins de Beaune. Après le rituel traditionnel de la Saint Vincent Tournante, en plus des animations proposées, des conférences se sont tenues. Témoignant de la notoriété de cette manifestation, Beaune a accueilli Dominique Bussereau, Ministre de l’Agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
(Affiche de la Saint Vincent Tournante de Beaune en 2005)
Bibliographie
Archives Municipales de Beaune – V35 : JULLIARD, MILLET, PORTET, LOCHOT, DEMOSSIER, Les Saints protecteurs de la vigne en Bourgogne, Beaune, 1992.
Archives Municipales de Beaune – Don de M Mortureux : Livre de la Confrérie de St Vernier, martyr, Patron des vignerons de la Ville de Beaune, Beaune, imprimerie de Romand, 1841.
Sources
Archives Municipales de Beaune – V42 : DRAC, Saint Vincent qui es-tu ? : Saint Vincent d’automne 1986, 1986.
Archives Municipales de Beaune – V106 : BERTHIER Marie-Thérèse et SWEENEY John-Thomas, Les confréries en Bourgogne. Histoire, vins, gastronomie, La Renaissance du Livre, 2000.
Archives Municipales de Beaune – 242W6 : organisation de la Saint Vincent Tournante de Beaune de 2005
www.st-vincent-tournante.fr