L’attentat de Damiens et la convalescence du roi par Henry Clémencet

Louis XV, roi de France (1715-1774), avait beau être surnommé « le bien-aimé » au tout début de son règne, tout le monde n’était pas de cet avis. C’est le 5 janvier 1757 qu’un homme attente à sa vie, et c’est sans tarder que notre célèbre mémorialiste beaunois Henry Clémencet note cet événement tragique dans son journal. A cette date, tout le royaume pense alors que le roi vit ses dernières heures, Clémencet écrit alors : « Icy se trouve l’assassinat commis par Robert François Damiens sur la personne sacrée de sa majesté Louis XV. Ce crime et la peine sont si connus que je ne puis me dispenser de les rapporter icy. » Rappelons les faits : Robert François Damiens est issu d’une famille pauvre. Après avoir quitté le collège des Jésuites, il devient domestique chez de nombreux conseillers du Parlement de Paris, dont certains sont farouchement opposés au roi. Chaque jour, Damiens lutte pour la survie de son épouse et de sa fille. Et en ces temps de conflits entre le Parlement et le monarque, il vit au cœur de cette opposition parlementaire virulente. C’est sans doute ces événements conjugués, ainsi que l’impopularité croissante du roi depuis une dizaine d’années, qui ont poussé Damiens au meurtre.

En ce mercredi 5 janvier 1757, Louis XV rend visite à l’une de ses filles, Madame Victoire, à Versailles. Le matin même, Damiens loue le nécessaire d’armes et de vêtements afin de se faire passer pour un noble et entrer au Palais plus facilement. Vers 18 heures, alors que le roi s’apprête à regagner son carrosse, Damiens fend la foule et frappe le roi d’un coup de canif au niveau du flanc. Le roi se voyant mourir exige un confesseur et une extrême onction. Damiens est immédiatement arrêté, soumis à de maints interrogatoires, puis est condamné pour régicide. Il est d’abord tenaillé sur tout le corps, sa main « coupable » est brûlée. Dans ses plaies sont coulés de l’huile bouillante, de la cire et du plomb fondu. Il est enfin écartelé et meurt deux heures plus tard.

C’est l’hiver rude qui a sauvé le roi. Par ce froid, Louis XV portait de nombreuses couches de vêtements, ce qui a réduit considérablement la force du coup porté. Il n’est donc que blessé aux côtes. Croyant tout de même que la lame était empoisonnée, les médecins conseillent au roi de rester en convalescence. Un Te Deum est alors ordonné dans toutes les communes du Royaume. Henry Clémencet décrit ce jour particulier à Beaune : « L’an mil sept cent cinquante sept, le seize avril, on reçut à Beaune l’ordre pour faire chanter un Te Deum en action de grâce pour la convalescence du roi et de ce qu’il avait manqué d’être assassiné la veille des rois par le Régicide Robert François Damiens. On sonna toutes les cloches ce jour et deux suivans à midy et le soir, pour inviter les habitans à joindre leurs prières pour la conservation du Roy. Les messieurs du Baillage, de la mairie et les Echevins assistèrent en robes à la cérémonie. On fit beaucoup de décharges d’artillerie qui était au faubourg de la Bretonnière près de la porte. Ces décharges ont été répétées après l’avertissement au son de la cloche de l’horloge. M. Gillet de Grandmont, maire, était zélé à remplir les ordres qu’il avait reçus. Il fit faire des arcs de triomphe, couverts de verdures, devant l’hôtel de ville et le sien propre et autres endroits avec des fontaines de vin excellent. Il y eut un feu de joye et une illumination sur les croisés de tous les citoyens à peine de cinquante livres d’amende. Une fontaine à trois cornets désaltérait les danseurs. Il y avait autour une quantité de lampions. Il y avait un bataillon de milice. Un particulier d’Auxey qui avait une tasse d’argent s’en servit pour boire à la fontaine de vin. Elle passa de main en main et fini par être perdue… pour lui. »

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Source : Archives municipales de Beaune Recueil des amusements de Henry Clémencet, tome 2.