(Archives Municipales de Beaune – registre des baptêmes, mariages et sépultures de Saint Nicolas, 1701-1720)
De fortes pluies s’abattent sur l’été 1708 et nuisent à la récolte annuelle. Cependant, en fin d’année, les blés semés à l’automne sont très fournis, l’hiver s’annonce doux cette année là…
Un retournement de situation a lieu le 2 janvier 1709 lorsque la pluie se met à tomber, immédiatement suivie d’un vent glacial : un hiver exceptionnel commence ! Le vent qui souffle jusqu’au 25 janvier, sans que la neige ne soit venue protéger les cultures, anéantit les semailles et les arbres fruitiers, altère les vignes et gèle les cours d’eau. La Bouzaise se retrouve gelée en deux heures seulement. Même le vin tourne en glace dans les bouteilles et les tonneaux.
De nombreux animaux, notamment les oiseaux et les volailles, ne survivent pas à ce froid qu’on qualifierait aujourd’hui de sibérien : la température, selon les experts, avoisine – 40°C.
Pour sauver les vagabonds, les voyageurs et les indigents, des feux publics sont allumés.
Après une courte période de répit accompagnée par la pluie, la neige tombe à partir du début du mois de février, jusqu’au 22. Lorsque celle-ci fond, les rivières débordent, causant des inondations autour des cours d’eau.
Le soleil apparaît au mois d’avril, redonnant vie aux champs, apportant de la chaleur aux habitants, leur laissant penser que cet épisode tragique est enfin terminé. Mais une pluie verglaçante vient détruire les semences jusqu’aux racines.
Les conséquences de ce Grand Hiver sont désastreuses pour la population beaunoise. Après avoir vécu des moments difficiles, où il a fallu se chauffer à tout prix, les habitants s’attendent à une grande famine, ce qui crée un sentiment général de panique. On craint les accapareurs, on s’oppose à libre circulation des blés. Pour calmer les tensions, le conseil municipal décide de bloquer toutes les provisions de blé et de les recenser pour mieux les gérer et les distribuer. Mais des émeutes ont lieu à Pommard où les habitants s’opposent à la réquisition de leur stock. Petit à petit, Beaune se constitue une réserve.
La municipalité se doit de prendre soin des pauvres, qui sont répartis en quatre catégories : les vieux, les infirmes, les mendiants valides et enfants en état de travailler, et les enfants en bas âge. Les vieux et les infirmes sont placés chez des bourgeois ou des religieux qui doivent leur apporter assistance. Quant aux mendiants et aux enfants, ce sont les Sœurs de Saint-Lazare qui pourvoient à leurs besoins en leur fournissant soupe, viande et pain, du mois de mai jusqu’à la mi-août. La crise est gérée de façon efficace et exemplaire à Beaune, et le Parlement de Dijon s’en inspire même pour établir un arrêt destiné à toutes les communes de sa juridiction.
Les récoltes de blés et les vendanges sont quasi inexistantes en 1709. L’année suivante, l’hiver s’annonce beaucoup plus doux mais une inondation, que le Chapitre de Beaune cite comme exceptionnelle, cause à son tour de lourds dommages dont les effets se feront sentir les années suivantes.
Bibliographie :
– Mémoires de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, Tome CXV, 1965
– Jacques VINCENEUX, Beaune de Jadis, Population-métiers-quartiers-comportements, I) XVIIIe siècle (1690-1789), Centre Beaunois d’Etudes Historiques, 1984
– Jacques VINCENEUX, tables de dépouillement des registres paroissiaux de Beaune, consultables aux Archives Municipales
– Registres de délibérations du Chapitre de la Collégiale Notre-Dame de Beaune, série G des Archives départementales
– Registres de décès des paroisses de Beaune pour l’année 1709
Décès (d’après les tables Vinceneux et les registres de la Charité) :
1708 | 1709 | 1710 | |
Décès | 234 | 457 | 309 |
Dont non résidents | 10 | 47 | 17 |
Dont inconnus | 5 | 20 | 5 |
Dont La Charité | 1 | 2 | 1 |
Ces chiffres sont sans appel. On constate nettement un pic (+ 95%) des décès en 1709 par rapport aux années avoisinantes. Le nombre de non résidents et d’inconnus répertoriés a été multiplié par quatre, ce qui correspond aux informations recueillies à ce sujet, à savoir qu’on secourait les voyageurs et sans abri.