Les rues de Savigny sont dangereuses aux débuts de la Révolution comme en témoigne la mésaventure dont est victime Jacques Patriarche, jeune négociant de la commune, qui sera par la suite l’un des deux fondateurs de la prestigieuse maison Patriarche installée à Beaune.
Les Archives de Beaune conservent le récit d’un incident en date du 5 mai 1790. Alors qu’il revient de Beaune et qu’il arrive dans la rue Basse à Savigny « par l’allée des Tilleuls et de là par la cour des frères Paquet », il tombe sur le sieur Peste dit Laval qui demande à l’une de ses domestiques de lui apporter son fouet.
La domestique revient munie d’un « gros fouet de poste » qu’elle remet sur le champ à son maitre. Peste court au devant de Jacques Patriarche, le fouet dans une main et une canne-épée dans l’autre ! Jacques Patriarche tente de démontrer qu’il n’a pas peur et passe hardiment à côté de Peste…ce dernier lui lance un coup de fouet et le blesse à la main.
Alors que Patriarche se retourne pour faire face à son agresseur, Peste dégaine son épée. Surprise : au même moment, Jacques Patriarche sort de sa poche « deux pistolets non chargés qu’il venoit de prendre à Beaune pour apporter à Savigny ». Il le brandit face à Peste espérant l’effrayer.
Sachant pertinemment que son pistolet n’était pas chargé, Patriarche appelle au secours et prend à témoin les personnes alentours. Un attroupement se forme…devant le nombre croissant de badauds, Peste dit Laval se retire en menaçant Patriarche « jurant hautement que le sieur Patriarche passeroit toujours par ses mains. »
C’est l’occasion pour Jacques Patriarche de se plaindre de ce personnage : « naturellement en colère, turbulent et toujours disposé à soulever et aigrir les esprits. » Indirectement, c’est le contexte politique troublé que Patriarche évoque : « ne s’est-il pas [Peste] permis de lire un écrit séditieux dans un assemblée où il ne pouvoit paraitre et d’où Monsieur le Président vouloit le faire sortir attendu qu’il n’est point citoyen actif ? ». Rappelons que nous sommes en période de transition vers une monarchie constitutionnelle et qu’au même moment, les municipalités se mettent en place.
Certains, comme le sieur Peste profitent sans doute de ce contexte pour régler de vieilles querelles ou exciter les esprits…peut-être également que Peste, se sentant écarté des décisions politiques et de la démocratie naissante, se venge-t-il d’un personnage plus en vue comme Jacques Patriarche dont la famille est en pleine ascension sociale ?
Il semble que la famille Peste n’en était pas à ses premiers déboires avec la justice puisque le père de Peste dit Laval avait été emprisonné à Dijon pour avoir volé de l’argent à Lyon et s’était empoisonné juste avant d’être pendu. Dans les suites du XIXe siècle, on apprend également que le frère de Peste-Laval a tué sa femme et a terminé sa vie aux galères en 1816.
Jacques Patriarche porte plainte de son côté devant le Procureur de la Justice de Beaune, Pierre François Decologne, espérant éloigner son agresseur et le dissuader d’attenter à sa vie. La menace fonctionne puisque Jacques Patriarche pourra ensuite avoir la carrière de négociant que l’on connait en compagnie de son frère ainé Jean-Baptiste.
Sources : Archives municipales de Beaune – 100 Z Fonds Patriarche-Vernaux