Depuis le Moyen-Age, un grand nombre de croix de chemin se dresse au cœur du paysage. Erigées par des communautés religieuses ou des particuliers, on les trouve dans les faubourgs, au bord des vignes et des chemins. L’érection d’une croix donne bien souvent lieu à une cérémonie de bénédiction.
La Révolution met temporairement fin à ce type de constructions qui reprennent dès le début du XIXe siècle. C’est dans les mémoires du tailleur de pierres Henry Clémencet, conservées aux Archives municipales de Beaune que l’on trouve trace d’un conflit autour de l’érection d’une croix par un particulier au faubourg Saint-Jacques.
En effet, Clémencet indique que « le trente may mil huit cent vingt un a été achevée et bénite par M. Chaussenot, curé de Beaune, la croix placée aux frais, à la dévotion et générosité de M. Lhuillier, propriétaire à Beaune, à l’entrée du faubourg Saint-Jacques. Ca n’a pas été sans difficulté. Je crois devoir raconter que la place où elle est posée entre le chemin sur le fossé de la ville et l’entrée du domicile de M. Lhuillier était obstruée en tous temps par différents dépôts, ce qui le fatiguait beaucoup. Sur sa représentation, il a obtenu de la police d’établir un monument religieux. »
Jusqu’ici, tout parait normal : le sieur Lhuillier, propriétaire d’un terrain à Saint-Jacques obtient une autorisation de police pour ériger sa croix de chemin. Cependant, l’affaire ne s’arrête pas là comme le dit Clémencet : « Lorsqu’il s’agit de le placer et de le bénir, cette cérémonie n’a pas plu à un certain impertinent nommé Tréboul, plâtrier de Nuits, qui s’est ingéré dans la tête de M. Rocaut notre maire qui l’a protégé et lui a confié la place de voyer, accordé les immunités et privilèges d’être exempté d’impôts, de logement de militaires, un superbe et vaste logement dans la maison commune, ce qui l’a rendu tellement orgueilleux, qu’il s’est rendu odieux à tous nos concitoyens (…) »
Les personnes évoquées ici sont le maire de l’époque, Jean-Jacques Rocaut et l’architecte voyer de la ville Jean-Baptiste Tréboul qui suscite bien des remous. Il fait éventuellement des travaux d’entretien et de réparations aux halles, aux casernes, au Beffroi et à l’hôtel de Ville. Il démissionnera de son poste en 1827.
Clémencet poursuit en évoquant encore Tréboul « cet imbécile s’est opposé au placement et à la cérémonie de la bénédiction de ce monument qualifiant cela de cochonnerie qui est son expression favorite. Le Maire, entiché et coiffé de ce triste être ne s’est décidé à permettre toute cette opération qu’aux représentations qui lui en ont été faites par le curé. »
Clémencet finit sa chronique du 30 mai par une anecdote météorologique sans rapport avec les événements précédents mais instructive pour l’histoire du climat bourguignon : « troisième jour des rogations, veille de l’Ascension, ce même jour, il a gelé à glace et beaucoup de vignes ont souffert, surtout où la terre était remuée de la veille. »
Sources : Archives municipales de Beaune, journal d’Henry Clémencet, troisième volume.