Le groupe de bâtiments connus sous le nom d’Hôtel des Ducs de Bourgogne n’est qu’une modeste portion des propriétés ducales qui occupaient la moitié sud-est du castrum. Le domaine ducal à Beaune s’appuyait sur le mur du castrum (rue Paradis) faisait face à la collégiale Notre-Dame (Parlement) et se développait rue d’Enfer jusqu’à la Bouzaize.
Les premières années de l’existence du domaine ducal à Beaune sont fort mal connues, faute de témoignages archéologiques et historiques.
La première mention d’une « curia » à Beaune est attestée en 1005. A cette date, la guerre déclenchée par la succession sans descendant du duc Henri 1er est en voie de règlement. Un document qui organise les nouveaux partages des pouvoirs mentionne donc l’existence d’une « curia » à Beaune, sans plus de précision. Il devait cependant y avoir quelques bâtiments pour loger les personnes qui composaient cette cour.
La guerre de succession qui ébranle la Bourgogne au début du 11ème siècle est l’expression des conflits qui opposent divers seigneurs, devenus puissants, à une royauté qui, après l’effondrement carolingien, était devenue très défaillante.
Le comte de Mâcon, Otte-Guillaume, prétend avoir été adopté par le duc défunt et réclame l’héritage. Il est appuyé par de nombreux comtes et chevaliers. Le roi de France, Robert le Pieux, en tant que neveu du défunt, réclame lui aussi l’héritage. Le Roi gagne… c’est le début de la recomposition du pouvoir royal en France.
Son fils Robert hérite de la Bourgogne en 1031. Le duc Robert est le fondateur de la dynastie des ducs capétiens de Bourgogne. Douze ducs se succèdent en Bourgogne jusqu’à la mort en 1361 de Philippe de Rouvres. Ils n’ont guère laissé de trace dans la mémoire collective. Cependant, on leur doit une véritable et durable renaissance du pouvoir ducal, en particulier dans le domaine judiciaire.
Ces ducs, entourés de chevaliers issus de la noblesse, participent assidûment aux croisades. Ils résident de temps à autre à Beaune.
A Beaune, des officiers ducaux, les prévôts puis les baillis, sont chargés de prélever les amendes, poursuivre les larrons et juger certaines causes. Ainsi naissent les « Jours » de Beaune fonctionnant comme une cour de justice itinérante.
Un autre fidèle du duc, le vicomte de Beaune, séjourne lui aussi à Beaune. Parmi ces vicomtes, il convient de citer Renard ou Rainard et son épouse Hodierne qui, en 1098, donnent à l’abbé Robert et aux religieux qui l’accompagnent « un domaine appelé de toute ancienneté Cîteaux » pour construire un monastère…
Après le décès du dernier duc capétien de Bourgogne, le duché échoit au roi de France, Jean II le Bon, qui le donne en apanage en 1364 à son fils Philippe le Hardi.
Quel est l’état des bâtiments ducaux à Beaune lorsque Philippe le Hardi reçoit le duché en apanage ? Il est extrêmement difficile de se prononcer. Encore une fois, le descriptif des lieux fait défaut. Par contre, il est certain que nos quatre grands ducs, les célèbres ducs de Valois, ont fortement contribué à agrandir l’espace ducal au sein de la cité. De plus, grâce à eux, le domaine ducal constitué essentiellement de vignes et de forêts en pays beaunois est véritablement exploité.
Une solide administration est mise en place et les bâtiments ducaux au sein de notre castrum sont bien entretenus et sérieusement rénovés, du moins dans les premiers temps.
A partir des ducs de Valois, nous conservons des témoignages écrits concernant les divers bâtiments qui forment l’Hôtel des Ducs.
-La porterie (15ème siècle) a subi de nombreux travaux d’aménagement mais l’esprit initial demeure. Les bâtiments privatifs de l’Hôtel de Monseigneur le Duc sont protégés dans un espace bien clos.
-A droite en entrant s’impose une maison à pans de bois en encorbellement (16ème siècle).
-Elle est supportée par des grosses poutres engoulées posées sur des piliers à faces évidées et à chapiteaux armoriés. Ces chapiteaux sont décorés d’un écu aux armes de France orné de coquilles Saint Jacques.
-En face, la cuverie où sont aujourd’hui présentés de vénérables pressoirs est en fait, aux 14ème et 15ème siècles, la grange de Monseigneur le Duc. Elle comptait deux niveaux pour abriter les chevaux et le foin.
-A gauche un grand corps de logis à pans de bois des 15ème et 16ème siècles est desservi par une tourelle d’escalier octogonale.
A droite de la tourelle, la galerie couverte forme une véritable loggia. Cette galerie, très fréquente dans les constructions de notre région, permet la circulation d’une pièce à l’autre, voire d’un bâtiment à l’autre. Le corps de bâtiment à droite de la tourelle est beaucoup plus sobre.
Les ducs de Valois ont construit leur résidence à Dijon mais ils séjournent le plus souvent dans leurs chères villes flamandes. Ils ne résident donc que rarement à Beaune. Entre 1373 et 1383 Philippe le Hardi vient deux fois par an à Beaune à l’occasion des séances du Parlement. Beaune est en effet devenue la capitale judiciaire du duché. On y juge les causes ducales en appel.
Beaune a été choisie car elle est géographiquement bien située et, de plus, le duc n’y rencontre aucun pouvoir rival : pas de pouvoir ecclésiastique fort comme celui qu’exerce l’évêque à Autun, pas de pouvoir municipal fort comme celui de la commune de Dijon.
Philippe le Hardi est le plus assidu des ducs à Beaune. Son successeur Jean sans Peur n’y viendra que pour quatre brefs séjours. A cette occasion, le duc ne loge pas en son hôtel mais dans une chambre qui est spécialement aménagée à côté du Parlement (bâtiment qui fait face à Notre-Dame, détruit depuis la fin du 19ème siècle).
Dans ces conditions, c’est le châtelain, officier ducal, chargé entre autres fonctions de la gestion du domaine ducal, de la levée des impôts et taxes, de l’entretien des bâtiments, de l’administration de la basse justice, qui loge en l’hôtel des Ducs. Il est en quelque sorte un super-intendant.
L’administration ducale est très élaborée et le châtelain doit rendre compte au duc, très exactement, des dépenses et recettes de la châtellenie.
La chambre des comptes de Dijon procède à l’examen des comptes du châtelain et demande des explications si nécessaire.
Le châtelain doit également accueillir en l’hôtel ducal les officiers ducaux de passage, les membres du Parlement lors des sessions beaunoises, les hôtes ducaux en général. Cependant, l’administration des vignobles et forêts ducales requiert toute sont attention.
Le châtelain est secondé par des clercs qui perçoivent l’impôt, par des sergents qui font respecter l’ordre, par des closiers qui veillent aux précieux clos de vignes du duc. En effet, les vignobles produisent des ressources non négligeables et qu’ils contribuent à la réussite de la politique diplomatique ducale.
Après le rattachement du duché de Bourgogne au royaume de France en 1478 l’Hôtel des Ducs prend le nom de Logis du Roi. Mais l’administration royale s’en désintéresse. L’hôtel est finalement acensé en 1566 pour passer entre des mains privées (notamment des familles Chevignard, Brunet et Segaud)
En 1919, la dernière propriétaire, Mademoiselle Develle lègue ses biens à l’Académie Française (testament passé devant maître Laneyrie) et à la ville de Beaune (outre l’hôtel des Ducs, la ville de Beaune entre en possession de la forêt de la Chaume Baudot, située sur Savigny-lès-Beaune). Par délibération du 5 mai 1922, le conseil municipal de Beaune accepte le classement du bâtiment comme monument historique et demande à l’architecte Lobot de faire l’état des lieux.
En 1947, le bâtiment est mis en état de recevoir les collections réunies par André Lagrange et Georges-Henri Rivière sur le monde de la vigne et du vin. C’est ainsi qu’est créé le Musée du Vin, l’un des tous premiers musées Arts et Traditions Populaires de France.
Crédit photo : Archives municipales de Beaune